La dalle funéraire d’un vigneron du XVIe siècle dans l’église de Fontaine-lès-Dijon

Dans l’église Saint-Bernard de Fontaine, parmi les nombreuses dalles funéraires qui pavent le sol, l’une d’elle attirait l’attention par la présence d’un motif de pampre accompagné d’une serpe à un croc à dos tranchant, typique d’une serpe vigneronne. La pierre était en partie masquée par un banc, mais, ce qui était visible de l’inscription indiquait que cette dalle était celle d’un vigneron de Talant. En 2020, la nécessité d’enlever les bancs pour établir un chauffage par le sol a permis de savoir que le défunt était Chrestiennot Sambin, qu’il était mort le 11 mai 1531, et que le champ de la dalle accueillait une grande croix latine reflétant la piété du défunt.

Le dessin, finement gravé d’un sarment de vigne avec deux grappes de raisin et une vrille, est en accord parfait avec la profession précisée par l’épigraphie. Chrestiennot Sambin met en avant son métier en faisant figer dans la pierre un outil qui constitue une source documentaire irremplaçable, tandis que la juxtaposition de la croix latine évoque sa croyance.

On ignore si le choix iconographique émane du défunt ou de ses proches mais il témoigne d’une attitude spécifique à l’égard du travail de vigneron. L’exercice de l’activité de Chrestiennot Sambin est revendiqué sans détour. Son métier est symbolisé par un outil lié à sa profession et non par une tenue, comme dans l’effigie du curé Chauchier, en 1545, dans la même église. Cet outil témoigne de l’orgueil d’une profession, de son importance économique et sociale. Pour Chrestiennot Sambin, le dur travail de la vigne pouvait aussi justifier l’espoir de mériter le paradis après la mort. Le contraste est cependant remarquable entre la position secondaire de l’outil et de la vigne et l’échelle de la croix. L’attention visuelle est d’abord dirigée vers la croix. À travers la subordination iconographique qui fait appel à l’échelle, à la position et à la figuration, Chrestiennot Sambin apparaît comme un homme soumis à la volonté de Dieu. Il fonde un anniversaire perpétuel à l’église de Talant et, dans le bandeau gravé en lettres gothiques situé en bordure de la dalle, interpelle les vivants en leur demandant de prier pour lui. Chrestiennot Sambin, qui jouissait d’un niveau de vie élevé, puisqu’il était assez riche pour se faire faire une plate-tombe d’une bonne facture, voulait s’assurer d’une place dans l’au-delà et, pour cela, aspirait à se faire inhumer dans le sanctuaire d’une église. Tous les morts d’une communauté ne pouvaient être ensevelis dans l’espace restreint du chœur et, depuis le Xe siècle, c’était le cimetière qui recevait la plupart des dépouilles. Seuls les privilégiés pouvaient espérer être inhumés à l’intérieur de l’église[1]. Or, en 1530, comme l’indique une inscription dans le bas-côté, l’église Saint-Bernard de Fontaine était en reconstruction. Chrestiennot Sambin a sans doute profité de son aisance pour faire une offrande et, en contrepartie, il a pu obtenir de reposer à l’intérieur de l’église[2] mais l’emplacement originel de la sépulture est inconnu. En effet, au XIXe siècle, lors de la mise en place d’un nouveau pavement dans le chœur, la pierre a été déplacée et réemployée comme dallage. Elle a d’ailleurs été mise à l’envers car le nom aurait dû regarder l’autel.

En Bourgogne, on connaît quelques représentations de serpette comme celle visible à Quemigny-sur-Seine, elle aussi accompagnée d’une croix, mais le travail du tombier est assez grossier. À Fontaine, en 2020, l’intérêt artistique et historique de la dalle funéraire de Chrestiennot Sambin a donc commandé de l’exposer sur le mur sud de l’église pour l’épargner de l’usure des pas et assurer ainsi la bonne conservation des traits de la gravure.

Sigrid Pavèse

[1] GELIS Jacques, IMMEL Jean-Jacques, Rites funéraires et sentiment de la mort, 2017. https:// www.sudoc.fr
[2] GRILLON Guillaume, GARCIA Jean-Pierre, LABBÉ Thomas, Vignes et vin de Talant, Faton, Dijon, 2021, p. 44.

Fontaine-lès-Dijon dans Le Bien public de 1955

En février 1955, pour répondre aux instructions ministérielles et préfectorales, le maire, Léonce Lamberton, fait paraître deux avis successifs sur l’organisation, à Fontaine-lès-Dijon, de séances gratuites de vaccination antivariolique organisées par la municipalité afin de pousser les habitants à se faire vacciner. En effet, durant l’hiver 1954-1955, au moment de Noël, la variole a ressurgi sur le sol français en Bretagne, à Vannes et à Brest. Le virus a été ramené du Vietnam, en novembre 1954, par un militaire qui a contracté la maladie, malgré la vaccination, et l’a transmise à son fils de 18 mois car, en 1955, même si la maladie est un lointain souvenir en Europe, elle perdure dans d’autres parties du monde. Des mesures d’isolement des malades, des interdictions de grands rassemblements et une campagne de vaccination collective vont permettre de stopper la crise sanitaire car l’immunité est acquise 11 jours après une vaccination. L’épidémie s’éteint, en mars, à Vannes, et en mai 1955, à Brest. À la suite d’une campagne mondiale de vaccination conduite par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à partir de 1958, l’éradication de la variole est décrétée par l’OMS en 1979. L’épidémie de variole en 1955 a été la dernière en France.

En juin, le maire et les membres du conseil municipal de Fontaine-lès-Dijon invitent la population de la commune à l’inauguration du groupe scolaire des Saverney pour le 9 juillet. Malheureusement, cette manifestation ne donne lieu qu’à cet avis.

D’autres avis municipaux ont trait aux dates de vaccination antidiphtérique et antitétanique, à des coupures d’eau, au montant de la taxe sur les locaux loués garnis. Des épaves comme sacoche de vélo, coussin de fourrure, broche qu’il faut venir chercher à la mairie ou chez des particuliers sont régulièrement signalées. Un chien trouvé ; sur lequel on peut obtenir des renseignements au magasin « Coop », est l’occasion de signaler qu’un commerce à cette enseigne existait en 1955, 25 rue des Templiers.

La plaque commémorative des célébrations du VIIIe  centenaire de la mort de saint Bernard.

Pendant cette année 1955, le plus long article est consacré aux fêtes de saint Bernard, avec un appel à un pèlerinage massif pour participer, le samedi après-midi 20 août, à la bénédiction par Monseigneur Sembel, évêque de Dijon, de la plaque commémorative des célébrations du VIIIe centenaire de la mort de saint Bernard. On apprend ainsi que cette plaque a pu être financée grâce aux offrandes recueillies à l’issue de la grande manifestation du clos des Feuillants le 20 septembre 1953. Le programme des fêtes sur trois jours est détaillé, avec notamment le samedi, dans le parc et autour de la Maison natale, une retraite aux flambeaux composés de cierges avec protège-flamme spécial et, le dimanche après-midi, les vêpres, la prédication et la procession des reliques de saint Bernard sous la présidence du chanoine Kir, député-maire. Hier comme aujourd’hui et contrairement aux fonctionnaires, les élus ne sont pas, en principe, concernés par le devoir de neutralité.

En décembre, la compagnie des sapeurs-pompiers de Fontaine-lès-Dijon fête la Sainte-Barbe en organisant son banquet annuel au café de la Place. Elle invite ses membres honoraires à se faire inscrire pour participer au repas. C’est un moment privilégié pour affirmer la cohésion du groupe, rendre hommage aux disparus et partager un moment amical. La jeunesse est conviée au bal le soir.

En 1955, pour Fontaine, Le Bien public ne fait donc état que d’annonces sans aucun compte rendu.

Sigrid Pavèse

Arinto(s) ou Aranto le nom gaulois de Fontaine-Lès-Dijon ?

Les Charmes d’Aran.
Plan du cadastre napoléonien, Archives départementales de la Côte-d’Or, 3P 286-2, section A (1810).

Le nom de Fontaine (-lès-Dijon) est presque désespérant pour les toponymistes. Ce nom est en effet fort banal et appartient à une longue série d’homonymes. Cependant, l’environnement onomastique autant que la topographie nous obligent à nous poser quelques questions. D’une part, les sites habités proches de Fontaine ont pour la plupart des noms gaulois (comme Talant, Dijon et probablement Daix), la seule exception romane sûre étant Ahuy ; d’autre part, Fontaine est sur une butte remarquable et on imagine difficilement que les Gaulois n’aient pas occupé le site en y laissant au moins un nom, comme c’est le cas pour Talant.

Il n’est pas sans intérêt d’examiner le site de la Charme d’Arans sur les confins de la commune. Le problème est de définir le statut de d’Aran ; s’agit-il du nom ancien du site ? Dans ce cas, nous pourrions avoir affaire à un ancien site bâti aujourd’hui disparu et il serait tentant d’y voir quelque frontière : le chemin suit très exactement la frontière communale entre Fontaine et Daix même si cette frontière ne semble pas avoir été très importante.

On pourrait avancer aussi – ce qui serait préférable- qu’il s’agit d’un nom de référence, de friches utilisées par des gens d’un village plus ou moins proche. Cette hypothèse semble plus raisonnable ; les charmes (variante phonétique de chaume) sont de mauvais terrains réservés généralement aux pâturages communaux, donc sans propriétaire désigné, ce qui explique l’absence de noms de propriétaires-contribuables sur l’état des sections. Ces noms de proximité sont très fréquents sur les cadastres ; on pourra citer ainsi à Dijon : les Charmes d’Asnières et les Crai(e)s de Pouilly. Il ne reste qu’à trouver quel était le village dont les habitants avaient le droit d’usage et il n’existe ici qu’une solution : Aran était assez vraisemblablement l’ancien nom gaulois de la butte de Fontaine.

On peut supposer que Fontaine – au temps de Vercingétorix et du Castrum divionense – était appelé Arinto(s) ou Aranto. La racine pré-latine qui a donné le nom d’Arans était probablement Arinto,  « frontière » ou mieux et plus simplement « montagne ». À une période difficile à préciser exactement, par suite de la rareté des formes anciennes antérieures à l’An Mil (disons dans la seconde partie du premier millénaire, en tout cas avant 822, première notation de Fontaine dans les archives), des maisons paysannes se sont construites au pied de la butte, là où il y avait de l’eau et c’est l’eau qui nomma la butte dont le nom primitif fut oublié complètement, sauf dans un site marginal. Au temps de saint Bernard, le nom actuel s’était imposé définitivement.

Gérard TAVERDET (d’après R[h]apsodies , Octobre 2021)

Le ban de vendange de 1749 à Fontaine-lès-Dijon

Procès verbal d’annonce de ban de vendange par les officiers de la justice de Fontaine-lès-Dijon aux habitants de la communauté dudit lieu (Archives départementales de la Côte-d’Or, B/610 1-2).

Au XVIIIe siècle, ce sont des officiers de justice qui sont chargés de la proclamation de l’ouverture du ban de vendange et plusieurs procès-verbaux de cette annonce aux habitants de Fontaine-lès-Dijon figurent dans les archives de la justice de la seigneurie du lieu. En 1749, le temps est révolu où c’était le vicomte mayeur de Dijon qui venait aviser en grande pompe de la date où la récolte du raisin pouvait commencer. Néanmoins, l’annonce continue à obéir à un cérémonial et reste empreint de solennité. Ainsi ce jeudi 26 septembre 1749, Antoine-Laurent Lemoine, notaire royal et juge sur le territoire de la seigneurie de Fontaine-lès-Dijon se rend en personne à Fontaine. Il est accompagné de Dominique Joly, procureur de la chambre des comptes de Bourgogne et Bresse et greffier des terres et de la seigneurie de Fontaine. Tous deux se présentent à midi sous la halle du Perron qui est le lieu ordinaire où se tient la justice. Ils font sonner pour avertir les procureurs de la communauté et les vigniers de leur arrivée, afin qu’ils comparaissent sous la halle. Les procureurs sont les gestionnaires de la communauté. Ils rendent compte chaque année de la gestion du budget de la communauté aux administrés et à l’intendant. Quant aux vigniers ce sont des garde-vignes choisis, comme les procureurs, par la communauté villageoise, chaque année. Pour cette année 1749, le juge déclare qu’à Fontaine, le seigneur (Bénigne Bouhier) et ses ayants droits (ses fermiers) pourront commencer à vendanger le lundi 30 septembre, tandis que les autres habitants pourront le faire sur l’étendue de la seigneurie le lendemain, mardi 1er octobre. Pour les vendanges, le 1er octobre est une date moyenne[1] mais il était de coutume au Moyen Âge que le seigneur récolte en premier ses raisins afin d’être le premier à commercialiser sa récolte[2]. Le privilège est resté, car c’est un bon moyen de faciliter le contrôle du montant des redevances seigneuriales et de bénéficier de toutes les forces de travail disponibles sur place. La proclamation faite, les procureurs de la communauté disent se soumettre à la sentence et promettent de la respecter sous peine d’amende. Les quatre vigniers en exercice, qui sont des vignerons assermentés, sont enjoints de se montrer vigilants jusqu’aux vendanges. Leur tâche consiste à patrouiller de jour et de nuit, armés d’un bâton, emblème de leur fonction, et ils ne manquent pas de travail. Non seulement ils verbalisent tous ceux qui vendangent avant la levée du ban mais aussi ceux qui grappillent, volent le raisin, ou traversent les vignes non vendangées, sans parler des propriétaires de bêtes qui s’introduisent dans les parcelles… Ils sont d’autant plus redoutés qu’ils sont intéressés aux amendes, celles-ci revenant à la communauté qui les rémunère[3].

Sigrid Pavèse

[1] LABBÉ (Thomas), GAVEAU (Fabien), « Les dates de bans de vendange à Dijon », Revue historique, N°2011/1, n° 657, p. 19-51.
[2] GRILLON (Guillaume), GARCIA (Jean-Pierre), LABBÉ (Thomas), Vignes et vins de Talant, Faton, Dijon, 2021, p. 35.
[3] Archives départementales de la Côte-d’Or, C 531. Compte des deniers reçus déboursés par les procureurs pour l’année 1773.

Fontaine-lès-Dijon dans Le Bien public de 1954

En 1954, la plupart des articles, dont aucun n’est illustré, sont des communiqués du maire, Léonce Lamberton. Ainsi, le 11 janvier, ce dernier interdit aux promeneurs des environs d’utiliser les rues du village et les chaussées pour pratiquer les sports d’hiver car les luges, les skis et le patinage aggravent l’état glissant des voies publiques. Il indique aussi que par mesure de précaution, il ne sera pas toléré plus de 20 patineurs sur la mare dont la glace est peu épaisse et que la commune décline toute responsabilité. Ces arrêtés sont en rapport avec la première des vagues de froid sibérien du début de l’année qui amènent l’abbé Pierre à lancer son célèbre appel le 1er février. À Fontaine, les dons au bureau de bienfaisance de deux industriels, que le maire remercie pour leur générosité, permettent d’augmenter la distribution de combustible aux nécessiteux.

Jusqu’en 1950, l’automobile n’était que l’apanage d’une minorité mais en 1954, son usage se démocratise et l’explosion du parc inquiète les responsables : c’est la raison pour laquelle, en août, lors de la fête patronale, le maire recommande instamment aux personnes qui utiliseront des véhicules à moteur d’être très prudentes aux abords de la fête.

Le même mois, comme chaque année, il invite la population à commémorer l’anniversaire du martyre et de l’exécution sommaire de Jean Darnet et Robert Pontiroli. Pour marquer le 10e anniversaire de cet assassinat, l’Amicale du Maquis Liberté offre aux familles une plaque souvenir perpétuant la mémoire des disparus.

L’organisation de la rentrée des classes le 17 septembre laisse deviner une situation scolaire explosive en raison de l’augmentation de la population. La commune ne peut plus accueillir d’enfants des communes limitrophes dans les classes du village et la section enfantine n’admet plus que les enfants nés en 1949. L’urgence est telle qu’à la veille des grandes vacances est donné le premier coup de pioche du groupe scolaire sud qui deviendra l’école des Saverney et qu’en deux mois, sous l’impulsion de l’architecte Delavault, une école de deux classes, l’une de filles, l’autre de garçons, sort de terre et ouvre à la rentrée avec un instituteur et une institutrice qui s’occupent de 5 niveaux chacun… Le maire remercie tous les entrepreneurs qui sont intervenus, comme on le voit, dans un temps record, en particulier « l’entreprise Paquet d’Arnay-le-Duc et de Fontaine-les Dijon ». Le siège social de cette entreprise était alors à Arnay mais Jean, l’un des frères Paquet s’est installé en 1954 rue du Faubourg Saint-Martin et 1954 marque le début de l’implantation de cet établissement dans la commune.

Dans la nuit du 9 au 10 septembre, le séisme qui a totalement détruit Orléansville et ravagé les centres environnants a pris l’ampleur d’une catastrophe nationale car, en 1954, l’Algérie est un département français. La solidarité se manifeste immédiatement envers les sinistrés et le maire de Fontaine communique sur l’organisation d’une quête à domicile, puis sur le produit de la collecte, auquel s’ajoute celui du don voté par le conseil municipal.

Quelques jours plus tard, les jeunes gens de Fontaine, à la veille de leur départ pour le service militaire, sont félicités pour avoir, avant de se livrer aux réjouissances habituelles, fleuri les monuments commémoratifs qui rappellent le souvenir d’hommes « tombés pour un idéal de liberté et d’indépendance et pour une vie sociale meilleure ». On voit ainsi comment, 10 ans après la Libération, la génération appelée est pénétrée de l’esprit de la Résistance et comment la référence aux aînés motive l’acceptation du devoir militaire. Mais en septembre, date de leur départ, les appelés ignorent qu’un mois plus tard, avec la Toussaint rouge à l’origine de la guerre en Algérie, le contingent sera obligé de traverser la Méditerranée pour des « opérations de maintien de l’ordre » traumatisantes pour beaucoup.

En 1954, Fontaine demeure un gros producteur de fruits dont beaucoup sont destinés à être distillés. En décembre, le syndicat des fruits indique donc que l’atelier public de distillation se tient à la disposition des intéressés au nouvel emplacement, chemin Saint-Martin, sans dire pourquoi le lieu traditionnel à côté de la mare n’est plus retenu depuis 1953.

Sigrid Pavèse

Voeux 2022

Vue sur la maison natale depuis les Charmes d’Aran. Cliché A. Lambert, 2021.

 

 

Que cet arc-en-ciel enjambant notre paisible colline et le val verdoyant s’étendant à ses pieds annonce à tous une belle année 2022.