Le jeu de la quille saoûle

Archives diocésaines de Dijon, 2 H 8, Grand séminaire : jeu de la quille saoûle.

Cette photo a été prise en novembre 1919[1]. Le mercredi, les séminaristes de la rue Paul-Cabet à Dijon avaient l’habitude de faire une promenade qui les conduisait souvent sur la butte de Fontaine, où ils pouvaient conjuguer dévotion et délassement. Dans le parc Saint-Bernard, où ils étaient accueillis par les Missionnaires de saint Bernard, un groupe joue à la quille saoûle. C’est un jeu amusant où un individu doit se tenir debout au centre d’un cercle de personnes assises et se laisser tomber en restant droit. Ceux qui sont assis doivent le repousser jusqu’à ce qu’il finisse par tomber sur celui qui n’a pas réussi à le rejeter et doit prendre sa place au centre. C’était une distraction où l’on riait beaucoup et qui était volontiers pratiquée par les jeunes recrues lors de leur service militaire. À l’arrière-plan, d’autres séminaristes se livrent à des activités plus intellectuelles.

Sigrid Pavèse avec l’aide de Bruno Lautrey.

[1] Archives du diocèse de Dijon, (ADD), 2 H 8, Historique de la maison de campagne du grand séminaire à Fontaine-lès-Dijon, cahier manuscrit avec photographies, 1920-1921.

La bibliothèque des Missionnaires de saint Bernard à Fontaine-lès-Dijon

La bibliothèque des missionnaires, état actuel (photo Marie-Jo Leblanc).

S’ouvrant sur un panorama qui s’étend jusqu’aux contreforts du Jura, la bibliothèque des Missionnaires de saint Bernard, située au-dessus des chapelles royales, se présente comme une grande salle de lecture et de travail très lumineuse. Elle est parquetée en chêne et trois des murs sont garnis de meubles en bois permettant de ranger des livres. La partie inférieure des armoires juxtaposées est fermée par des portes pleines à battant. Elle est plus profonde et moins haute que celle des vitrines avec vantaux grillagés et châssis en bois fermant à clé qui la surmontent. À l’usage, des voiles blancs ont dû être tendus sur les grillages pour mettre les ouvrages à l’abri de la poussière et de la lumière. Le mur qui longe le dôme extérieur, entre les fenêtres aux vitraux dus au peintre-verrier parisien Léon Ottin, est habillé par un meuble reprenant la structure des autres travées avec deux casiers ouverts entre les deux corps d’armoire. Les retombées du plafond papiétées comme les murs dans des tons en accord avec les armoires, les soubassements en lambris, les portes d’accès avec châssis en chêne, panneaux en sapin et impostes, les trois poutres porteuses de la charpente badigeonnées en blanc à l’image du plafond, animent harmonieusement l’ensemble. Des étiquettes manuscrites indiquent que la collection de livres était structurée selon un classement thématique : dogme, morale, théologie …

La conception de cette salle apparaît purement fonctionnelle et utilitaire. Cœur de la Maison natale, elle a un accès direct au balcon qui domine l’intérieur de la « basilique ». [i] Étouffante en journée l’été, d’un confort spartiate l’hiver avec sa modeste cheminée remplacée plus tard par un poêle, elle reste riche d’odeurs, imprégnée de cette atmosphère si particulière des lieux où l’on s’instruit, réfléchit et étudie en silence.

Cette « pharmacie de l’âme[1] » a été imaginée pour les Missionnaires de saint Bernard par l’architecte Paul Selmersheim dans le cadre des restaurations de la Maison natale. L’exécution sur mesure du mobilier et du parquet a été confiée en 1883 au menuisier Philippe Guyot. Avec les trois chambres qui communiquent avec la bibliothèque, l’étage prend la place d’un toit qui avait remplacé, en 1821, une salle d’apparat détruite en 1793 pour en récupérer les matériaux. Les moines Feuillants avait fait une pièce unique du troisième niveau du donjon du château médiéval. Ils l’avaient dotée d’un plafond à caissons aux armes du roi Louis XIII quand celui-ci avait fait de leur établissement un monastère royal. Elle fut probablement leur salle capitulaire au XVIIe siècle.

La bibliothèque des missionnaires a d’abord accueilli le fonds du chanoine Renault qui avait le goût des livres et les avait transmis à ses successeurs copropriétaires avec lui de la Maison natale. Elle s’est enrichie d’une bibliographie bourguignonne léguée par un doyen du diocèse. De leur côté, les missionnaires ont collecté, archivé tout ce qui concernait l’histoire de la maison et de saint Bernard. On ne connaît pas de catalogue mais certains ouvrages étaient rares[2]. Malheureusement, des brocanteurs profitèrent en 1909-1910 de la désorganisation de la maison, liée à une succession mouvementée[3], pour faire main basse sur une partie de la bibliothèque bourguignonne et sur les archives. C’est ainsi que fut perdu le registre de la confrérie de saint Bernard du XVe siècle et un calendrier paroissial du début du XVIIe siècle, qui faisaient partie des archives paroissiales. Ces documents se trouvaient dans la Maison natale parce que le curé de Fontaine, qui était obligatoirement un missionnaire depuis 1879 pour éviter les frictions entre la paroisse et la Maison natale, résidait dans la maison natale[4]. Seuls certains documents manuscrits purent être rachetés[5].

À l’arrivée des Rédemptoristes en 1919, ce qui restait de cette bibliothèque de référence fut transféré par le propriétaire au séminaire situé rue Paul-Cabet. On en perd la trace après le déménagement du séminaire boulevard Voltaire en 1921. Cependant des documents comme l’inventaire du monastère des Feuillants par Louis Gellain qui se trouvait dans la Maison natale à la fin du XIXe siècle ont pu entrer aux archives départementales de la Côte-d’Or par le biais de l’évêché[6]. À leur tour, les Rédemptoristes garnirent les rayonnages d’ouvrages utiles à leur mission dans le diocèse, mais depuis leur départ en 1978 les meubles sont vides et délaissés.

Aujourd’hui, la bibliothèque de la Maison natale est un cadre à l’esthétique particulière et toujours émouvant. Ses boiseries de la fin du XIXe siècle deviennent rares et ne demandent qu’à être remises en valeur et à accueillir une nouvelle collection.

Sigrid Pavèse

 

[1]  L’inscription grecque inscrite au-dessus de la porte d’entrée de la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Gall en Suisse alémanique.
[2] CHOMTON (abbé), Saint Bernard et le château de Fontaines-lès-Dijon, 1891, I. p.11, note relative à un manuscrit de la Vita Secunda.
[3] Mort de Félix Poilblanc, directeur de la Maison natale, 16 juillet 1909, ; mort de Just de Lalaubie, propriétaire de la Maison natale depuis septembre 1908, décédé le 22 octobre 1909 à Leysin en Suisse.
[4] Archives diocésaines de Dijon, 2P 278, Note du conseil paroissial le 3 avril 1910 transmise à Monsieur de Lalaubie. Lettre de Joseph Massin au curé Rémy du 6 mars 1914.
[5] COLLIN (Lazare), Christian de Bretenières (1840-1914), Dijon, 1923, p. 441.
[6] MOYSE Gérard, Lettre du 30 septembre 1998 à l’auteur. Entrée le 1er octobre 1964 en provenance de l’évêché sous la cote J 2579/3.

Élégantes au bord de la mare à Fontaine-lès-Dijon à la Belle Époque

Sur la carte photo à gauche, on reconnaît l’arbre aux branches tortueuses que l’on retrouve sur plusieurs cartes postales anciennes ainsi que les troncs verticaux des arbres plantés au bord de la mare de Fontaine-lès-Dijon. Le pignon de l’ancienne écurie de la propriété « la Charmille », en arrière-plan du tronc, en haut à gauche, est aussi bien identifiable du lieu. Quatre femmes en costume de ville à jupe longue et veste cintrée posent devant l’eau. Les deux plus jeunes sont vêtues de façon identique : jupe plate devant, plus ample à l’arrière, ornée d’un galon à mi-hauteur, jaquette courte à basques festonnées et manches froncées aux épaules, collet de fourrure dont les queues se terminent par huit pompons blancs. La plus âgée porte une jupe ample et une jaquette à col montant garni de fourrure, la dernière, une veste en fourrure à large col. Toutes sont coiffées de chapeaux assez volumineux. Chacune relève d’une main sa jupe pour éviter qu’elle ne traîne sur le sol terreux qui borde la mare. Cette carte avait pour but de faire sourire la destinataire afin de la faire patienter en attendant une lettre plus longue.

Élisabeth Réveillon

Aleth de Montbard dans le tableau « Saint Bénigne et l’arbre des saints du diocèse de Langres ».

Le musée d’art sacré de Dijon possède en dépôt[1] une copie du XVIIe siècle d’un tableau dont l’original[2] a été volé dans le deuxième quart du XVIIe siècle à l’abbaye Saint-Bénigne de Dijon. Conformément à l’original[3], le tableau présente au centre saint Bénigne, avec autour, portés par les branches d’un arbre, 19 médaillons de personnages réputés saints et saintes qui « ont sanctifié ou qui se sont sanctifiés dans ce monastère »[4] et dont le tombeau entourait celui de saint Bénigne dans la crypte. En bas à droite, la dernière sainte représentée est Aleth. Après sa mort à Fontaine un 1er septembre 1107, Aleth avait été portée depuis Fontaine jusqu’à l’abbaye par l’abbé Jarenton (1077-1113) et ses religieux, « tout Dijon, clergé et peuple allant au-devant avec luminaires ». L’abbé Jarenton l’avait fait inhumer dans la crypte de son abbaye, au pied de la tour septentrionale, et lui avait fait élever un monument orné de six statues représentant ses fils[5]. En 1107, ce n’était pas la mère de saint Bernard qui était honorée, celui-ci n’ayant pas encore fait ses preuves, ni l’épouse de Tescelin mais, d’après les biographes de saint Bernard, la figure de charité. Ce monument n’existait plus au XVIIe siècle, mais en 1790 on voyait encore au niveau inférieur de la rotonde avant qu’elle ne soit livrée aux démolisseurs l’année suivante, un « cercueil en pierre » que l’on disait être celui de la mère de saint Bernard[6]. En 1250, ses ossements avaient été transférés à Clairvaux par les soins d’Étienne de Lexington, abbé de ce monastère[7], pour rejoindre ceux de son fils Bernard.

Après la disparition du tableau de l’abbaye, les religieux Mauristes ont pu le reconstituer, après 1652, à partir de la copie que les Feuillants de Fontaine avaient réalisée en 1616[8]. Cette copie des Feuillants n’avait pas reproduit avec exactitude le tableau de Saint-Bénigne dont le père Chifflet, jésuite, avait tiré un dessin vers 1630. Les religieux y avaient introduit, en bas, saint Bernard et ses frères habillés en Feuillants. Ils avaient représenté aux quatre angles des scènes de la vie d’Aleth et ils avaient modifié l’inscription autour de l’ovale pour mettre en avant Aleth[9]. La copie des Feuillants, qui ne figure pas dans les inventaires révolutionnaires, a disparu et n’a pas été retrouvée à la différence de celle de Saint-Bénigne, découverte par l’abbé Bougaud sur l’étalage d’un bouquiniste à Dijon en 1854 et achetée aussitôt par Mgr Rivet, évêque de Dijon, pour la placer dans la galerie épiscopale[10]. Quels aspects de la vie d’Aleth les Feuillants avaient-ils retenus ? Les manuscrits ne le précisent pas, mais ce tableau montre que les Feuillants avaient introduit très tôt dans leur monastère la vénération d’Aleth. Néanmoins, c’est d’abord à l’abbaye Saint-Bénigne qu’il faut rendre hommage d’avoir fait l’honneur à Aleth d’être la dernière laïque inhumée dans la crypte, puis d’avoir conservé sa mémoire dans un tableau où elle était la dernière « sainte » figurée, et ce pour ses qualités propres.

Sigrid Pavèse en collaboration avec Élisabeth Réveillon

 

[1] Musée d’Art sacré de Dijon, dépôt du musée des Beaux-arts de Dijon, D 980.1.34.1 et 2
[2] L’abbé Chomton, Saint-Bernard et le château de Fontaines-lès-Dijon, Dijon, 1891, t.1 p. 160-161 dit qu’il est impossible de dire à quelle époque l’original pouvait remonter. Sa présence est attestée en 1561-1562 (CHOMTON, Abbé Louis, Histoire de Saint-Bénigne de Dijon, 1900, p. 148) puis en 1586 (ADCO, 1H 450 f°66.).  Il mesurait 100 x 80 cm et a pu être réalisé sur le modèle d’un manuscrit.
[3] ROZE (Jean-Pierre), Saint-Bénigne de Dijon, l’abbaye, vol. 2 objets d’art et mobilier, p. 573. BNF, Ms lat. 9867 f° 27. Le père Chifflet, Jésuite, avait tiré un dessin de la disposition des médaillons alors que le tableau était encore dans l’abbaye en 1630.
[4] ROZE, p. 573. ADCO (Archives départementales de la Côte-d’Or), 1H 144, p. 87, Abrégé des mémoires de Don Lanthenas.
[5] ROZE, p. 573 d’après le manuscrit de la BNF : Ms lat. 12666 f° 270.
[6] ROZE, vol. 1, p. 214.
[7] ADCO, 1 F 124, p. 267.
[8] BNF XI f°716. Dessin de la disposition des motifs du tableau relevée par dom Hugues Lanthenas, religieux de Saint-Bénigne.
[9] CHOMTON, ouvrage cité.
[10]ROZE, ouvrage cité. Cette copie a été attribuée à l’État par décret du 13 mars 1909 et fut mise en dépôt au musée d’art sacré en 1979. Aujourd’hui, une autre copie de ce tableau réalisée vers 1854 est accrochée dans le couloir de la sacristie de la cathédrale Saint-Bénigne.

Le boulevard des Allobroges vers 1972

Le boulevard des Allobroges a été ouvert en 1966. Cette photo représentant un tronçon du boulevard périphérique de Dijon est conservée aux archives municipales de Dijon. Elle a été prise après sa mise à quatre voies en 1971. La section, qui ne correspond à aucune voie ancienne, traverse un paysage de jardins arborés, encore en pleine production, du lieu-dit très étendu des Saverney et de celui, plus petit, des Pierrodins, situé au sud-ouest. Au premier plan, on repère dans l’angle gauche, les bâtiments de la menuiserie Mondia, démolis depuis pour faire place à des logements collectifs. Au centre, la rue Joseph-Bellesoeur sépare Fontaine, à l’ouest, et Dijon, à l’est. Sur la partie Fontaine, en bas, les maisons construites au début du XXe siècle sont celles de la rue Merceret. À droite, on reconnaît la bifurcation de la rue Octave-Terrillon avec son îlot triangulaire. Au second plan, à gauche, de l’autre côté du boulevard, le groupe scolaire des Saverney conçu par l’architecte Delavault, ouvert en 1954 avec seulement trois classes, se repère par son préau central. Les bâtiments de l’école maternelle sont édifiés, ce qui permet de dater la photo de 1972.Ce groupe scolaire est bordé, à droite, par la rue du Faubourg Saint-Nicolas qui remplace le chemin rural Saint-Nicolas élargi et viabilisé pour donner accès à l’école. La rue de la Bresse, que l’on devine à l’est de l’école en direction de la rue du Faubourg Saint-Martin, a été créée au même effet à partir d’un ancien chemin de terre large de 1,5 m. Derrière l’école, au nord, de l’autre côté de la rue des Saverney, la chapelle Saint-Martin a été inaugurée en 1965. De part et d’autre de la rue du Faubourg Saint-Nicolas, les terrains du futur quartier de la Bresse, à l’est, et des Saverney, à l’ouest, ne sont pas encore urbanisés, mais les voies pour les desservir sont déjà tracées. À gauche, la rue de Lorraine, avec l’amorce du carrefour des rues Juhanne-Broquars et d’Alsace, débouche sur le boulevard perpendiculairement. À droite, la rue de Provence et la rue de Savoie, aboutissant à la rue de la Bresse, sont parallèles au boulevard. On doit à la présence de ces vergers, qui ont pris la place de la vigne après la crise du phylloxéra à la fin du XIXe siècle, le recul de toutes les constructions sur Fontaine par rapport au boulevard. En effet, le maire de Fontaine de 1945 à 1964, Léonce Lamberton, avait demandé, lors de l’établissement du boulevard, de réserver tout le long un chemin côté Fontaine, pour que les attelages puissent desservir les parcelles… Il était loin d’imaginer l’ampleur de l’urbanisation dans cette zone et l’intérêt pour les municipalités fontainoises de ce recul dont ne bénéficie pas l’autre côté du boulevard…

Sigrid Pavèse

La herse de la tour d’entrée de la maison natale de saint Bernard

Avant la restauration de la tour d’entrée de la Maison natale de saint Bernard, le rez-de-chaussée laissait voir l’encadrement d’une grande ouverture en arc segmentaire qui avait été murée pour laisser place à une fenêtre moderne. Au début de l’année 1883, le dessin du rez-de-chaussée de la tour d’entrée par Paul Selmersheim, architecte des restaurations, avait été guidé par cet aspect et par la voûte en berceau segmentaire de la salle située à l’arrière. Paul Selmersheim conservait la fenêtre et mettait en valeur l’ancienne porte par un arc surbaissé avec un retrait des piédroits de 40 cm.

Au moment de la réalisation du projet[1], on s’aperçut qu’il existait sous le parement une autre ouverture en arc brisé avec présence d’une rainure de herse. Devant cette découverte inattendue, Paul Selmersheim retraça une nouvelle ouverture. En effet, dans l’esprit des concepteurs, les restaurations devaient être un habillage contemporain qui conservait, dans la mesure du possible, les traces du passé le plus ancien en faisant en sorte qu’elles soient repérables, sans altérer l’harmonie d’ensemble de la façade. Selmersheim créa donc une baie en arc brisé à deux rouleaux, fit remplacer les pierres gelées de l’arc d’origine, garda les pierres qui remontaient probablement au XIVe siècle[2] ainsi que leurs enduits. Considérant que l’arc en arrière de la rainure avait été refait en même temps que le berceau de la salle, il lui substitua un arc en tiers-point comme à l’extérieur.

Pour rappeler l’ancienne herse, il eut l’idée de faire forger une grille fixe fermant la baie aux trois-quarts, dont il confia la réalisation à l’entrepreneur de serrurerie dijonnais Bernard Chaffotte[3]. Composée de 19 montants avec une grande pointe forgée à une extrémité et de 11 traverses en fer fin et rond, passant dans 183 trous renflés et goupillés, elle pèse 252 kg. Afin d’éclairer la salle qui abrite les gonds de l’ancienne porte, il fit fermer le haut de la baie par un vitrail. Comme toutes les verrières qui ont été posées dans la Maison natale à cette époque, celle-ci a été créée spécialement par le peintre verrier parisien Léon Ottin[4]. La fausse herse protège donc le vitrail, rappelle le passé, tout en jouant un rôle dans l’esthétique de la tour. Elle est une réponse artistique et architecturale à une donnée nouvelle survenue en cours de chantier, pour respecter un aspect patrimonial.

Sigrid Pavèse avec la collaboration d’Élisabeth Réveillon

 

[1] Archives diocésaines de Dijon, 5 L 2/2, Lettre de Paul Selmerseim à Christian de Bretenières, 31 juillet 1883.
[2] D’après, Hervé Mouillebouche, entretien oral.
[3] Archives diocésaines de Dijon, 5 L 2/2, Mémoire n° 12.
[4] Archives diocésaines de Dijon, 5 L 2/2, Lettre de Paul Selmersheim à Christian de Bretenières, 3 novembre 1883.

Les conscrits de la classe 1957 à Fontaine-lès-Dijon

 

En haut de gauche à droite : Jean Bernard, Maurice Taisant (Hauteville), Gilbert Ciccardini, Georges Buteau.

En bas, de gauche à droite : Michel Parot, Jean Aubrun, Charles Buteau. Collection Jean Aubrun.

 

 

Cette photo prise en novembre 1956 montre les six conscrits fontainois de la classe 1957, auxquels s’ajoute un Hautevillois. Le 27 novembre 1956[1], les jeunes gens s’étaient retrouvés dans la cour de l’hôtel de ville de Dijon, avant de pénétrer dans la grande salle du conseil de révision où se tenaient, assis derrière une table, des militaires, des médecins et les autorités municipales des communes concernées avec, pour Fontaine, le maire Léonce Lamberton et le premier adjoint, Joseph Bajotet. Là, ils avaient subi les examens réglementaires et tous avaient été déclarés « bons pour le service ».  Pour chacun d’eux et malgré des perspectives angoissantes, il y aurait eu une sorte de sentiment de déshonneur à ne pas être pris, et ce fut dans un joyeux brouhaha que s’était effectuée la sortie, vers midi. Dans la rue, ils étaient attendus par des forains qui avaient installé leurs baraquements pour leur vendre des insignes tricolores indiquant leur aptitude au service armé. Arborant, épinglées à la poitrine, de multiples cocardes, la petite équipe avait posé dans le square des ducs comme on le voit ci-dessus, puis elle avait pris la direction des cafés où le maire de la ville, le chanoine Kir, était venu les saluer…

Le lendemain avait débuté la « tournée » pour visiter les maisons et ramasser les fonds nécessaires à l’organisation du « banquet de la classe ». Durant plusieurs jours, à bord d’une voiture de 1938 qui avait remplacé la carriole en usage les années précédentes, une bande de joyeux lurons curieusement accoutrés, formée par les conscrits, les sursitaires et les « bleus » de la classe à venir, avait respecté la tradition en défilant  bruyamment dans les rues de Fontaine et d’Hauteville, fêtant leurs 20 ans dans une cacophonie de cris, de sifflets, de trompettes, de clairons et du trois tons qui avait pris la place du klaxon, le tout dans une atmosphère de beuverie alimentée par le petit blanc de pays, servi généreusement par les vignerons du terroir qui les accueillaient à bras ouverts… Avant de rejoindre le samedi 5 janvier 1957 l’hostellerie de l’Étoile, rue Marceau à Dijon, le petit groupe s’était rendu aux monuments aux morts d’Hauteville et de Fontaine pour déposer une gerbe et respecter une minute de silence observée avec gravité car les étourdissements de la fête ne pouvaient faire oublier la perspective de devoir partir en Algérie pour des « opérations de maintien de l’ordre ». Après les agapes dijonnaises, les réjouissances s’étaient poursuivies à Fontaine avec le bal donné dans la salle Guy, qui se trouvait à l’étage du café de la place du Perron. Cette tradition des conscrits fut une des dernières qui eut lieu à Fontaine. En 1960, elle avait disparu.

Dans ce rite de passage vers l’âge adulte qui permettait de se défouler, une relation étroite s’était créée entre ces jeunes gens nés la même année. Les temps forts vécus ensemble pendant les festivités avaient été une expérience humaine qui avait cimenté cette communauté de jeunes hommes. Quelques mois après ces festivités, et malgré les cierges qu’ils avaient brûlés dans la chapelle Saint-Bernard pour ne pas avoir à rejoindre les unités combattantes en Algérie, ils durent tous aller servir en Algérie. Ils furent libérés au bout de 28 mois pour les simples soldats, et 30 mois pour les sous-officiers comme Jean Aubrun, mais plus de 15 000 appelés et conscrits comme eux, n’eurent pas la chance de revenir.                                                                                               Sigrid Pavèse

 

[1] AUBRUN (Jean), Qui m’a volé mes vingt ans ? Edilivre, 2018.

Un moine, chauffe-lit

Un moine dans le grenier d’une maison familiale à Fontaine-lès-Dijon. (Collection particulière)

Cet objet en forme d’œil ou de luge-traîneau, dressé verticalement dans un grenier, a été photographié au 15 de la rue Jehly-Bachellier, l’ancienne ferme de la famille Sicardet. C’est un moine, un ancien ustensile du quotidien que l’on glissait dans le lit pour servir à le chauffer et à rendre les épais draps en toile plus secs en hiver, tout en évitant de le les brûler.

L’origine du nom est inconnue. Il pourrait être l’abréviation de « chaufferette de moine » qui désignait un objet en usage dans les monastères dont les dortoirs n’étaient pas chauffés. L’explication des jeunes moines chargés de chauffer le lit des plus vieux en s’y installant un moment avant leur coucher est pittoresque mais non documentée.

Longue d’environ 1,30 m, large et haute de 30 cm, la structure est composée de quatre arceaux de bois cloués entre eux deux par deux, avec au centre des plaques métalliques en haut et en bas, servant de réceptacle au réchaud proprement dit.

« On suspendait un petit seau rempli de braises encore chaudes à un crochet du support supérieur. Pour le manipuler sans se brûler, le récipient avait une poignée. On glissait le moine sous les couvertures pour diffuser la chaleur des braises afin de compenser la froideur des chambres. J’en ai profité pendant mon enfance car je dormais dans la chambre du rez-de-chaussée qui était très grande et sans chauffage. Heureusement, les progrès en matière de chauffage ont rendu cet objet inutile ! » raconte Madeleine Festeau-Sicardet.

Sigrid Pavèse