Le vignoble à Fontaine-lès-Dijon en 1957: l’encépagement

Une grappe de Seibel 5455 appelé « Plantet » présentée par Monsieur Olivier Guignon vers 1990 dans la vigne des Champs-Rémy devenue la Vigne de Fontaine. (Cliché Photo-club de Fontaine)
Une grappe de Seibel 5455 appelé « Plantet » présentée par Monsieur Olivier Guignon vers 1990 dans la vigne des Champs-Rémy devenue la Vigne de Fontaine. (Cliché Photo-club de Fontaine)

En 1957[1], la viticulture fontainoise est orientée en totalité vers la production de vin avec des raisins de cuve. L’encépagement compte huit variétés. Cette hétérogénéité résulte de la fantaisie des différents propriétaires car, jusqu’en 1953, les vignerons peuvent planter librement les variétés de leur choix. Avec 40% des cépages, le Gamay domine. Il s’étend sur 4 ha 9 a et 15 ca. S’il craint les gelées de printemps, il a l’avantage de produire une petite récolte sur les contre-bourgeons. Il est suivi par le Seibel 5455 avec 24%. Cet hybride producteur direct est cultivé sur 2 ha 80 a 50 ca, surtout par des personnes qui n’ont guère de temps à consacrer à la vigne, car il est de conduite facile et peu soumis aux aléas des maladies. Vient ensuite l’Aligoté, fertile et rustique, avec 23,9%. Cette variété, qui donne un vin blanc, couvre 2 ha 45 a 42 ca. Le sensible Pinot, aux grandes qualités gustatives, et quatre autres hybrides : Seibel 1000, 8, Rouge et Seyve-Villard (blanc) ne forment ensemble que 8,75% de l’encépagement total.
Les porte-greffes sont connus pour moitié dans le recensement. Le 3309 qui est une variété issue d’un croisement entre Vitis riparia et Vitis rupestris, toutes deux d’origine américaine, domine à plus de 90%. L’autre pied mère répertorié, le 1202, d’une origine semblable, n’est utilisé que par un propriétaire. Le vignoble fontainois greffé avec ce porte-greffe offre ainsi un très bon degré de tolérance au phylloxéra racinaire et de résistance au mildiou.
L’intervalle entre les rangs est, à 71,2 %, d’1 m et le reste est de 1,10 m, donc moins fréquent. La distance entre les pieds est, à 42,85%, de 1 m, 30 % de 0,80 m, 21,42% de 0,90 m et le reste de 0,85 m. Là encore, la distance entre les rangs ou entre les pieds dépend de l’exploitant. À noter que si les plantations sont en rangées homogènes, deux sont encore en mélange, sans ordre (en foule).
L’âge moyen de ce vignoble est de 15 ans et un tiers est en vignes jeunes de moins de 10 ans. Si la plus ancienne vigne date de 1914, ce vignoble n’est pas vieux et dans l’ensemble, le renouvellement est régulier, sans qu’une évolution de l’encépagement selon la période de plantation ne soit sensible.
Les possibilités de récolte sont estimées entre 20 et 50 hl à l’ha à 57,40%, entre 50 et 80 hl à 16,66% et à moins de 20 hl à 11,11 %. Une seule exploitation indique un potentiel entre 100 et 150 hl. 12,96 % des vignes ne sont pas en production. Quant à la qualité, les déclarations ont classé toutes les productions dans la catégorie des vins de consommation courante.

Sigrid Pavèse

[1] Archives départementales de la Côte-d’Or : 1789 W 34.278. Recensement général du vignoble.

 

Le vignoble à Fontaine-lès-Dijon en 1957: le parcellaire

Les 54 parcelles de vigne à Fontaine-lès-Dijon en 1957

En 1953[1], pour assainir le marché du vin et orienter la production viticole, le gouvernement a prescrit un recensement général du vignoble français, qui a été confié à l’Institut des vins de consommation courante (IVCC), créé en 1954[2]. Ce recensement a été effectué en établissant deux documents. Le premier est une « déclaration de propriété de vigne » pour chaque exploitation viticole, avec des renseignements relatifs au propriétaire foncier, au déclarant, ainsi qu’à l’exploitation. Le second est un « bulletin de parcelle » indiquant pour chaque parcelle de vigne, l’identité du propriétaire foncier, celui de l’exploitant, les références cadastrales, la situation topographique, l’aire de production, l’encépagement, l’âge de la vigne et les possibilités de récolte. Le travail d’enquête a été effectué sur le terrain et à la mairie. Les éléments recueillis ont été codifiés pour être reportés sur des cartes perforées. Les déclarations pour le cadastre viticole de Fontaine ont été lues et approuvées par les intéressés le 11 octobre 1957[3]. Elles donnent une photographie détaillée de la structure du vignoble à cette date.

En 1957, 24 exploitants de 32 à 71 ans, avec une moyenne d’âge de 54 ans, cultivent 10 ha 37 a 51 ca de vigne représentant globalement 11% de leur exploitation. 3 exploitations sont détenues par des veuves. 54 parcelles sont répertoriées, avec une moyenne de 2 par exploitant et une surface moyenne de 19 a 21 ca. La plus grande exploitation possède 1 ha 35 a 92 ca en 7 parcelles, la plus petite 11 ares. 2 exploitations seulement s’étendent sur plus d’un hectare. Toutes les parcelles sont situées sur des coteaux, dans 20 lieux-dits. Près du tiers se trouve aux Charmes et au Bois, mais la vigne est aussi présente avec 3 parcelles dans les lieux-dits aux Conottes, aux Porte-feuilles, en Vaux, aux Champs-Rémy et aux Champs communaux. Les 54 parcelles sont exploitées en faire-valoir direct à l’exception de 6 (2 en métayage à bail « oral » et une à bail écrit, 3 en fermage à bail « oral »).

En 1957, à Fontaine, les vignerons n’ont donc pas encore disparu. On continue à les trouver essentiellement dans le village mais la vigne n’est plus qu’une activité d’appoint, avec, pour moitié, des micro-exploitations de moins de 50 ares, très éparpillées. Le fermage et le métayage concernent des propriétaires qui se chargent de l’exploitation d’une vigne appartenant à un parent ou à un voisin. Ainsi structurées, à l’exception d’une qui ne le mentionne pas, toutes les exploitations sont destinées à produire du vin pour la consommation familiale.

Sigrid Pavèse

[1] Décret n° 53-977 du 30 septembre 1953.
[2] Décret n° 54-437 du 16 avril 1954. Cet institut a été transformé par décret n° 76-302 du 7 avril 1976  en Office national interprofessionnel des vins de tables (ONIVIT) puis par décret n° 83-244 du 18 mars 1983 en Office national interprofessionnel des vins (Onivins).
[3] Archives départementales de la Côte-d’Or : 1789 W 34.278. Recensement général du vignoble.

Un dessin de la cabane du chemin des Vaux à Fontaine

Dessin de Madeleine Festeau-Sicardet, “La cabane du chemin des Vaux à Fontaine” décembre 2019

Madeleine Festeau-Sicardet est née le 30 mars 1936. Elle est issue d’une longue lignée de vignerons à Fontaine où elle a passé toute son enfance. Ses parents, Roger et Suzanne Sicardet, possédaient une vigne, chemin des Vaux, en face de la cabane dont les fondations ont été retrouvées en novembre 2018[1]. Pendant la période des fêtes de fin d’année 2019, elle a éprouvé le désir de reproduire « la petite maison » de son enfance[2] et pour cela « a repris un crayon »… Le résultat qu’elle nous a fait parvenir en toute amitié et qu’elle qualifie modestement d’« enfantin » nous vaut la reconstitution d’un paysage des années 1940 d’une grande précision.

Le chemin des Vaux est à droite. Il est creusé d’ornières parallèles laissées par « le passage des voitures à cheval ». Ces traces sont « appelées localement rouins ou ruins ». Le chemin est bordé, à droite, par « une succession de parcelles de vigne et de jardins » en lanières. La vigne au premier plan est celle des parents de Madame Festeau. À l’arrière-plan, c’est « la vigne de Jeanne Lelièvre, séparée de la route de Daix par un petit muret ». À proximité, deux peupliers « ne respectent pas leur véritable emplacement » mais « leur hauteur représente ce que l’œil pouvait percevoir de l’endroit où Madame Festeau se plaçait ». « Le lieu, appelé le tournant des peupliers, était un virage en S avec une importante dénivellation ». De l’autre côté de la rue, on voit  la maison d’Alex qui se trouve aujourd’hui 16 allée des Fauvettes. « Cette coquette petite maison au milieu des champs  était celle d’un couple de Polonais arrivé dans les années 30 ». Au début de la route qui conduit à la mare, la croix de Daix et deux sapins marquent le départ du sentier de l’église, bordé par le Bois des Pères du parc Saint-Bernard. À la lisière supérieure du Bois des Pères, apparaît le clocher de la basilique « avec son pignon en planche »[3]. Entre le bois et le chemin des Vaux s’étend un grand champ labouré correspondant à la partie occidentale de l’ancien enclos des Feuillants. Au premier plan, le  sentier du cimetière  sépare ce champ du verger Duperat qui est devenu le Verger de Fontaine. Dans ce verger, « les troncs étaient blanchis et l’alignement impeccable ». La cabane est à l’angle du verger. Sa porte s’ouvre dans le pignon Nord et le faîtage est parallèle au chemin des Vaux.

Sigrid Pavèse avec la collaboration de Jean-Christophe Lornet et Élisabeth Réveillon.

[1] Madame Festeau a raconté ce que représentait cette cabane pour l’enfant qu’elle avait été dans http://www.lesamisduvieuxfontaine.org/la-cabane-du-chemin-des-vaux/
[2] Courrier de Madame Festeau du 29 décembre 2019.
[3] Le toit de la « basilique » de la Maison natale ne sera achevé qu’en 1991, 100 ans après le début de la construction de l’édifice.

La vendange 2019 de la Vigne de Fontaine

Les vendanges le vendredi 13 septembre 2019 (Cliché Nicolas Leblanc)

Les dernières vendanges de la Vigne de Fontaine avaient été effectuées en 2006 par Gabriel Vaudray qui avait conclu, en 2004, un bail à fruit de 7 ans avec la Ville de Fontaine-lès-Dijon, après la vente de la parcelle par M. Guignon à la commune lors du lotissement des Champs Rémy. Avec l’aide de sa famille, il avait récolté de quoi faire 2 hectolitres de vin de table, qu’il avait vinifié dans sa ferme des Varennes, à Bretigny-lès-Norges.
La vigne avait été plantée en 1936 en plants directs, résistant à la plupart des maladies et parasites. Elle était donc vieille et le vin produit était assez médiocre, c’est pourquoi il a été décidé de l’arracher en 2007. 1 100 pieds ont été replantés en 2008 et 2009, moitié en Chardonnay, moitié en Pinot noir.
En 2014, le contrat de fermage ayant expiré et faute de trouver un nouveau preneur pour une parcelle de 1063 m², la municipalité a été contrainte de faire entretenir la vigne par le personnel municipal : taille, labour, rognage, remplacement des ceps, tensions des fils et contrôle des piquets.
La commune a pris conseil auprès de la SONOFER, une entreprise de Saulon-la-Rue spécialisée dans la fertilisation et qui a l’habitude d’accompagner les viticulteurs. Cette année, la vigne a donc été amendée deux fois avec un fort apport de fond organique car elle était considérablement appauvrie. Aucun traitement n’a été nécessaire en raison de la sécheresse.
Les quantités récoltées par les deux agents municipaux et un tâcheron ont été faibles en raison de la météo, des bêtes et du grappillage. Les quelques caisses de raisin obtenues ont été conduites à la cuverie de Dijon Métropole pour être vinifiées par Marc Soyard, le vigneron du domaine de la Cras à Plombières-lès-Dijon avec des levures naturelles, une addition minimum de soufre et sans vinification séparée. Le vin élevé en fûts aura l’appellation Bourgogne AOC, « Coteaux de Dijon ».

Sigrid Pavèse

L’encordage et la descente des tonneaux à Fontaine-lès-Dijon

Des crochets, 10 impasse Jehly Bachellier et un anneau 10 rue Saint-Bernard (Clichés Photo-Club de Fontaine-lès-Dijon). L’encordage des tonneaux. (Schéma de Bruno Lautrey).

À Fontaine, toutes les maisons vigneronnes du village sont bâties sur une cave dont l’ouverture est dimensionnée en largeur afin à de faire rouler un tonneau ou pièce de 228 litres. Dans la pierre de seuil de l’escalier conduisant à la cave, se trouvent souvent deux crochets ou un anneau scellés au plomb servant à fixer la corde ou les cordes pour descendre et remonter des tonneaux.

Quand il n’était pas descendu à bras le corps, la descente d’un tonneau vide exigeait en principe deux hommes. Deux planches pouvant être reliées par des tasseaux afin d’assurer la sécurité étaient posées sur la longueur de l’escalier. Une corde (C) formant boucle était attachée aux crochets. Elle passait sous le tonneau de manière à l’enlacer. En haut de l’escalier, le vigneron (A) tenait la corde au niveau de la boucle et avançait doucement en lâchant du lest pour faire rouler le tonneau. À l’arrière, du côté du bas de l’escalier, un aide (B) dirigeait le fût. Il reculait avec le tonneau et le soutenait pour le conduire le long des marches jusqu’à ce qu’il parvienne au bas de l’escalier. Le procédé était identique pour la montée des fûts.

Pour une pièce pleine, la descente se faisait avec trois hommes à l’aide de deux cordes. Le tonneau  contenait alors du vin blanc vinifié et soutiré dans la cuverie. Le vin rouge n’était pas concerné car il était directement acheminé dans la cave par une pompe. Quand il n’y avait pas d’anneaux ou de crochets pour amarrer les cordes, une barre était mise en travers de la porte de la cave et les anneaux des cordes  passés dans la barre. Comme pour les tonneaux vides, un homme précédait la pièce. Les deux autres se calaient sur les montants de la porte pour laisser filer le tonneau en tenant chacun une corde passée sous le tonneau. Les trois hommes devaient faire un effort synchronisé pour franchir chaque marche car celui qui guidait la pièce dans l’escalier ne pouvait pas la retenir…

À Fontaine, de nombreux escaliers de cave donnent sur la rue et les entrées débordent souvent sur le trottoir. Aujourd’hui, le règlement de l’AVAP de Fontaine-lès-Dijon (Aire de Mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine) interdit de condamner les entrées de cave dans le village. Les crochets et anneaux qui subsistent sont considérés comme des éléments annexes du patrimoine à protéger.

Jean-Pierre BOUCHARD, Bruno LAUTREY et Sigrid PAVÈSE

La pressée en 1888

Paul DEFRANC, La pressée, 18 octobre 1888. (Collection Geneviève Gauthier)

Ce cliché d’amateur qui montre une pressée à Fontaine, le 18 octobre 1888, est un tirage sur papier signé Paul Defranc. Paul Defranc, né à Dijon en 1851 et mort à Fontaine en 1902, était un célibataire, qui habitait, avec ses parents, la demeure appelée « la Charmille », 2 rue de la Source. Paul Defranc descendait d’une lignée d’avoués à la cour d’appel de Dijon. Son grand-père, Claude, avait acheté le domaine et à sa mort en 1854, il l’avait transmis à Charles Defranc, le père de Paul. Ce domaine était composé à l’origine de la maison où la famille passait l’été et de quelques parcelles de vigne en plants fins. Le joyau étant le clos séparé de la maison par la rue Collin-Barbier qu’il bordait à l’ouest. L’étendue des vignes avait gagné en superficie au cours des années et Paul Defranc s’en occupait avec un vigneron : Jean Falconnet. Il avait obtenu plusieurs récompenses pour ses vins rouges et blancs lors de concours à Paris dont une médaille d’argent à l’exposition universelle de 1900 dans la catégorie des vins ordinaires.

La photo met en scène cinq hommes en longs tabliers et casquettes, place de Siry, devant la maison du 20 rue des Templiers. À gauche, un homme tourne la roue d’un pressoir horizontal monté sur roues. Il presse les raisins qui sont enfermés dans une cage carrée en bois. Le jus se déverse sur une « maie » qui est un bac situé dans la partie basse du pressoir. Il s’écoule par une « goulotte » dans un demi-muid, le muid étant synonyme de tonneau. Le jus est ensuite transvasé dans une «tine». La tine est un demi-tonneau dont deux douelles plus longues que les autres, placées en opposition, sont percées pour former des anses ou oreilles, dans lesquelles est passé un bâton appelé « tineau ». L’ensemble repose sur les épaules de deux hommes qui avancent l’un derrière l’autre pour transporter le jus jusqu’au fût où il sera transvasé. Juché sur le pressoir, un homme tient un marteau à la main. Deux manches de « grappine » pour égaliser la vendange dépassent de la cage en bois. Près du chasse-roue, à l’angle gauche de la maison, deux « benatons » ou paniers à vendange sont posés sur une brouette. Ils sont accompagnés d’un petit baquet en bois appelé sapine.

Sigrid Pavèse avec la collaboration de Bruno Lautrey, Jean-Christophe Lornet, Jean-Louis Nageotte, Élisabeth Réveillon.
Site : www.lesamisduvieuxfontaine.org (Publication juin 2019)

La cabane du chemin des Vaux

Les vestiges de la cabane du chemin des Vaux (Cliché S. Pavèse, novembre 2018)

Lorsque les fondations d’une cabane, repérée sur le cadastre de 1851, ont été mises au jour, en novembre 2018, lors de la réfection du mur nord de l’enclos des Feuillants, nous avons interrogé Madeleine Festeau-Sicardet pour savoir si elle avait gardé le souvenir de cet édicule. Voici son témoignage.

« Mes souvenirs sont ceux d’une enfant de moins de 8 ans, naïve, insouciante et peu observatrice. J’ai appris le mot « cabotte » quand les vignerons et les médias ont mis l’accent sur les climats. Je ne connaissais pas d’autres cabanes ou cabottes à Fontaine. Dans la famille on parlait de celle-ci comme de « la cabane des Duperat » : on ne mettait pas de « monsieur » car les hommes entre eux, et les femmes aussi, allaient au plus court. Cet homme de Daix, célibataire, vivait avec sa sœur, de même situation[1]. J’admirais le verger[2] bien entretenu[3] par eux.
La cabane était à droite en entrant dans le verger, à quelques pas du chemin des Vaux. Elle était très rustique. L’eau de pluie coulait du toit. Elle était montée en laves et couverte de même. Le sol était en terre battue. Deux bancs pour s’asseoir, aussi en laves[4], garnissaient les murs de chaque côté. La cabane n’avait pas de porte mais l’ouverture était relativement large. Dans le fond, on apercevait un morceau de ciel car une pierre avait été enlevée ou était tombée. La cabane n’était pas très haute. Il me semble qu’une personne de grande taille aurait eu du mal à s’y tenir debout.
Je n’ai pas connu de cheminée. Cette petite attraction était sans doute ancienne. Le mur du fond, pas très haut[5], semblait avoir été élevé sur le mur d’enceinte du champ cultivé le long du chemin qui rejoignait, en haut, le Bois des Pères[6].
Ouverte côté nord, elle appartenait à tout le monde. À part un abri de mauvais temps, elle ne servait pratiquement à rien. Personne n’y entreposait quoi que ce soit mais on y mettait pour quelques heures la boisson et nos casse-croûte.
J’y passais du temps avec une petite cousine. C’était un endroit magique. La maison toute faite, comme un chalet, nous appartenait, à nous deux, pour jouer avec nos enfants imaginaires… Nos parents, au travail dans leur vigne, savaient où nous étions… De l’autre côté du chemin, en effet, était la grande vigne entretenue par mes parents qui a été arrachée vers 1968.
En passant un jour, après bien longtemps, je n’ai plus vu ni cabane, ni verger. C’était comme un trou. Elle manquait cette cabane… »

[1] André Duperat, né à Daix en 1909 était divorcé. Sa sœur, Berthe, cultivatrice, née en 1898, était célibataire.
[2] Aujourd’hui, le verger de Fontaine.
[3] André Duperat était arboriculteur.
[4] Pierres plates calcaires provenant en général de l’épierrement des sols.
[5] Indication possible d’un toit à une seule pente.
[6] Dans le parc Saint-Bernard.

Les vignes des Feuillants sous la Révolution

Au moment de la Révolution, les Feuillants[1] avaient une des plus importantes surfaces en vigne de Fontaine. En dehors de leur enclos, ils étaient à la tête, aux champs d’Aloux, d’une superficie de 2 journaux et six quartiers, ce qui en faisait le plus grand clos de Fontaine. Aux vignes de ce clos, s’ajoutaient un quartier aux Bois, 5 quartiers aux Crais Barbey, 3 quartiers aux Combottes et 3 autres aux Créots[2] soit, en tout, près d’1,5 hectares[3].  Après avoir constaté, au début du mois de juin 1790, que ces vignes, nationalisées le 2 novembre 1789, étaient complètement négligées et ainsi se détérioraient et perdaient de leur valeur, le maire de Fontaine, Bénigne Arlin, invite les religieux à les faire cultiver sans retard[4]. Les Feuillants répondent qu’ils refusent de continuer la culture de leurs vignes car ils n’ont pas pu les louer à un vigneron. Ils ont bien tenté de commencer à faire cultiver par eux-mêmes mais ils ont arrêté faute de ne pas récupérer l’argent avancé[5]. De plus, n’ayant rien reçu des pensions fixées par l’Assemblée nationale, ils n’ont déjà pas d’argent pour payer leur subsistance donc encore moins des ouvriers. Ils font donc abandon desdites vignes, non sans rappeler que la Nation s’en est emparée alors qu’elles avaient été acquises, en grande partie, grâce au fruit de leur épargne… Le district indique alors à la municipalité de les donner à bail. Mais qui voudrait louer des vignes dans un tel état à quelques semaines des vendanges s’interrogent les édiles de Fontaine ? Ces vignes n’ont pas été fossoyées, c’est-à-dire que rien n’a été prévu pour en replanter une partie, les empêchant ainsi de pouvoir se renouveler. De plus, les paisseaux (échalas) font défaut, et les coups de labour ou meille, du nom de la sorte de pioche utilisée, n’ont pas été effectués. D’après les estimations des experts municipaux, le préjudice s’élève à 186 livres[6]. Selon eux, la seule solution est de faire bêcher et enlever les mauvaises herbes au frais du trésorier du district, qui se remboursera de cette avance, avec l’argent provenant de la mise aux enchères des raisins sur pied, huit jours avant les vendanges[7]. Les archives n’ont pas conservé la trace de ces vendanges et, quelques mois plus tard, le 2 mars 1791[8], les vignes sont acquises aux enchères par un homme de lois dijonnais, Charles Alexandre Enguerrand. (Sigrid Pavèse)

[1] Archives départementales de la Côte-d’Or (ADCO) Q 838 7juillet 1790. Procès-verbal de l’état des vignes des Feuillants.
[2] À Fontaine : 1 journal = 34,28 ares et 1 quartier : 8,56 ares.
[3] ADCO Q 177 : Le directoire du district compte 6 journaux (2 hectares) pour les 6 parcelles, ce qui correspond à la déclaration des biens fournie par les Feuillants au bureau diocésain en 1786 (ADCO, G9). Le Directoire les estime à 1 625 livres 5 sols le 29 janvier 1791.
[4] ADCO), Q 838 : Extraits du registre de la municipalité de Fontaine-lès-Dijon, 2 juillet 1790, 3 juillet 1790.
[5] Ibid. Mémoire de ce qui est dû aux Feuillants par les administrateurs du district. : 180 L pour façon de vigne.
[6] Ibid. 7 juillet 1790.
[7]Ibid. 1er août 1790.
[8] ADCO Q 149 : Charles Enguerrand achète les 6 journaux de vigne appartenant aux Feuillants.