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Une vidéo de la visite-conférence de Françoise Perrot sur les vitraux de l’église Saint-Bernard et de l’oratoire de Béthanie a été tournée par Jean-Pierre Deschamps de Vision 2000.

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Également sur: https://www.youtube.com/watch?v=VuCrYODxnDc

 

La herse de la tour d’entrée de la maison natale de saint Bernard

Avant la restauration de la tour d’entrée de la Maison natale de saint Bernard, le rez-de-chaussée laissait voir l’encadrement d’une grande ouverture en arc segmentaire qui avait été murée pour laisser place à une fenêtre moderne. Au début de l’année 1883, le dessin du rez-de-chaussée de la tour d’entrée par Paul Selmersheim, architecte des restaurations, avait été guidé par cet aspect et par la voûte en berceau segmentaire de la salle située à l’arrière. Paul Selmersheim conservait la fenêtre et mettait en valeur l’ancienne porte par un arc surbaissé avec un retrait des piédroits de 40 cm.

Au moment de la réalisation du projet[1], on s’aperçut qu’il existait sous le parement une autre ouverture en arc brisé avec présence d’une rainure de herse. Devant cette découverte inattendue, Paul Selmersheim retraça une nouvelle ouverture. En effet, dans l’esprit des concepteurs, les restaurations devaient être un habillage contemporain qui conservait, dans la mesure du possible, les traces du passé le plus ancien en faisant en sorte qu’elles soient repérables, sans altérer l’harmonie d’ensemble de la façade. Selmersheim créa donc une baie en arc brisé à deux rouleaux, fit remplacer les pierres gelées de l’arc d’origine, garda les pierres qui remontaient probablement au XIVe siècle[2] ainsi que leurs enduits. Considérant que l’arc en arrière de la rainure avait été refait en même temps que le berceau de la salle, il lui substitua un arc en tiers-point comme à l’extérieur.

Pour rappeler l’ancienne herse, il eut l’idée de faire forger une grille fixe fermant la baie aux trois-quarts, dont il confia la réalisation à l’entrepreneur de serrurerie dijonnais Bernard Chaffotte[3]. Composée de 19 montants avec une grande pointe forgée à une extrémité et de 11 traverses en fer fin et rond, passant dans 183 trous renflés et goupillés, elle pèse 252 kg. Afin d’éclairer la salle qui abrite les gonds de l’ancienne porte, il fit fermer le haut de la baie par un vitrail. Comme toutes les verrières qui ont été posées dans la Maison natale à cette époque, celle-ci a été créée spécialement par le peintre verrier parisien Léon Ottin[4]. La fausse herse protège donc le vitrail, rappelle le passé, tout en jouant un rôle dans l’esthétique de la tour. Elle est une réponse artistique et architecturale à une donnée nouvelle survenue en cours de chantier, pour respecter un aspect patrimonial.

Sigrid Pavèse avec la collaboration d’Élisabeth Réveillon

 

[1] Archives diocésaines de Dijon, 5 L 2/2, Lettre de Paul Selmerseim à Christian de Bretenières, 31 juillet 1883.
[2] D’après, Hervé Mouillebouche, entretien oral.
[3] Archives diocésaines de Dijon, 5 L 2/2, Mémoire n° 12.
[4] Archives diocésaines de Dijon, 5 L 2/2, Lettre de Paul Selmersheim à Christian de Bretenières, 3 novembre 1883.

Chanson des vignerons de Fontaine

Michel-Hilaire Clément Janin (1831-1885) était rédacteur, notamment au quotidien Le Progrès de la Côte-d’Or. Il a publié de nombreux articles sur l’histoire et les traditions populaires bourguignonnes. Dans un cahier de notes, il a consigné les paroles de chansons qu’il a collectées. Parmi elles se trouve La chanson des vignerons de Fontaine, recueillie chez son ami Lhéritier en janvier 1869 et accompagnée de la note en marge : « Cette chanson se retrouve à peu près dans le Romancero de Champagne »[1]. Lorsque le journaliste a retranscrit cette chanson, c’était bien avant sa réactualisation par le chansonnier à succès Aristide Bruant (1851-1925) qui l’avait mise à son répertoire et l’avait rendue très populaire. Elle avait été publiée le 12 juin 1892 dans le supplément hebdomadaire Le Gil Blas illustré sous le titre La vigne au vin, « Vieille chanson bourguignonne », accompagnée d’une illustration de l’artiste Théophile Alexandre Steinlein. Sa diffusion en avait été facilitée et elle était devenue une chanson à boire.

À l’origine, cette ronde était une chanson de vendanges dont la structure initiale remonte au moins au XVIe siècle[2]. Elle décrit toutes les étapes à l’origine du vin et sa consommation. Certaines versions sont courtes comme dans l’adaptation enfantine « Plantons la vigne », d’autres plus longues en fonction des étapes de la croissance de la vigne, de la fabrication et de la consommation du vin qu’on choisit de chanter ou d’ignorer.

Dans la variante fontainoise, le travail de la vigne a une part importante : « taille, pioche, attache, coupe, presse », alors que d’autres adaptations privilégient davantage le cycle du végétal : pousse, feuille, fleur, graine, grappe. À Fontaine, la hotte est absente et la tonne fait place au fût. Des mots comme « brousse » ou « renarde [3]» sont spécifiques et un peu mystérieux[4]. Le verre est évoqué mais s’y ajoute la trinquée, tandis que la bouche et le ventre sont remplacés par « l’homme ».

Ces particularismes viennent sans doute de ce que les vendanges ont toujours utilisé une main d’œuvre mobile. Des groupes se déplaçaient d’une région à l’autre et se mêlaient aux autochtones, apportant avec eux des chansons apprises au cours de leur migration et qui se chantaient ensemble. L’appropriation entraînait des glissements, mais l’esprit demeurait. L’adaptation fontainoise comprend 16 couplets avec reprise de la nouvelle étape dans les deux dernières lignes. Clément-Janin ne dit rien de la mélodie, mais le deuxième vers de redite commençant par « le » ou « la voilà » ne figure pas, et si l’air ressemble à la reprise de Bruant, la mélodie est un peu différente[5]. C’est pourquoi cette interprétation entendue à Fontaine justifie l’appellation « Chanson des vignerons de Fontaine ».

Sigrid Pavèse

[1] Romancero de Champagne, collection des poètes de Champagne antérieurs au XVIe siècle, tome 3 Partie 3 (éd. 1863-1864), Hachette livre et BNF.
[2] DAVENSON (Henri), Le livre des chansons, ou introduction à la connaissance de la chanson populaire française, 1944. Nombreuses rééditions.
[3] TAVERDET (Gérard) : « Brousse » pourrait signifier bourgeon et « renarde » renvoi. Le verbe renâder peut signifier avoir des renvois.
[5] Cette mélodie a été transcrite par Henri Berthat, archives municipales de Fontaine-lès-Dijon, tapuscrit.

Fontaine-lès-Dijon dans Le Bien public de 1960

En 1960, les prix indiqués sont libellés « NF » car le nouveau franc est entré en vigueur le 1er janvier. En effet, le rétablissement de la situation monétaire de la France a été rendu urgent par son entrée dans le marché commun en 1957, afin d’éviter qu’une monnaie trop faible ne pénalise le pays face à la concurrence allemande. Dans cette optique, une des dispositions phares du général de Gaulle est la création du franc lourd qui divise les prix par 100. Tandis que cette mesure portée par le ministre des finances Antoine Pinay ouvre la voie à une prospérité croissante, Fontaine continue à voir les besoins résultant de l’évolution dynamique de la population s’amplifier, sans pouvoir apporter de réponse immédiate. Certes, la commune poursuit ses travaux d’équipements scolaires aux Carrois et aux Saverney, mais le développement des autres infrastructures nécessaires pour s’adapter au rythme de l’expansion de la population est d’autant plus lent qu’il relève de régimes administratifs, techniques et financiers distincts. Dans les rapports sommaires de deux comptes-rendus municipaux, la litanie est longue des démarches entreprises pour hâter l’amélioration de la distribution électrique, de l’alimentation en eau potable, de l’éclairage public, l’établissement d’égouts, la création d’un service de bus desservant la rue faubourg Saint-Martin, la construction du boulevard extérieur… Il faudra souvent attendre plus d’une décennie avant d’obtenir un début de réalisation.

L’augmentation de la population va également de pair avec l’accroissement du trafic routier. Dans la commune, les accidents se multiplient et un arrêté est pris pour limiter la vitesse à 40 km/h pour les véhicules à moteur et 20 km/h pour celle des bicyclettes, mais tolère une vitesse de 60 km/h rue du faubourg Saint-Martin… La signalisation routière est renforcée et, dans le village, des bandes jaunes continues sont tracées pour marquer l’axe de la chaussée, les rues n’étant pas à sens unique. En 1971, elles changeront de couleur pour se mettre en conformité avec la norme européenne.

Des colis continuent à être envoyés aux appelés d’Algérie mais le Bien public passe sous silence le conseil municipal du 30 janvier 1960, si bien que le vote de confiance à l’unanimité adressé au président de la République par le conseil municipal présidé par le maire Léonce Lamberton, pour rétablir l’ordre et faire respecter par tous l’autorité de l’État, n’est pas rapporté. Cette adresse trouve son origine dans les journées insurrectionnelles qui portent le nom de « semaine des barricades ». En effet, après la reconnaissance le 16 septembre 1959 du droit à l’autodétermination du peuple algérien, des ultras de l’Algérie française ont organisé à partir du 24 janvier des manifestations de protestation au cours desquelles des barricades ont été dressées. Des coups de feu ont été échangés, faisant 22 morts et 147 blessés parmi la foule et les forces de l’ordre. Deux jours avant le conseil municipal, le général de Gaulle en uniforme, avait fait une allocution télévisée où il appelait l’armée à ne pas se joindre aux insurgés qu’il condamnait.

En marge de ces événements, une photo parue en première page du Bien public du 18 janvier 1960 illustre le plaisir dominical de lugeurs et de patineurs sur la mare de Fontaine car une vague de froid courte mais intense a transformé la mare en patinoire naturelle. Cependant, la météo de cette année n’a pas laissé que de bons souvenirs, en octobre, une subvention votée par le conseil municipal pour venir en aide aux sinistrés des inondations rappelle que les pluies tombées sur l’ouest du Massif central ont provoqué des crues sans précédent qui ont fait 20 morts, 30 000 sinistrés et des dégâts matériels considérables.

Parmi les évènements qui ont marqué l’année à Fontaine, la mesure prise en 1956 par Électricité de France d’établir une tension de distribution de 220 volts sur tout le territoire, pour garder la même intensité et permettre de transporter une puissance double dans la même unité de temps, arrive à exécution à Fontaine. Elle entraîna la modification ou l’échange de certains appareils électriques à titre gratuit pour les usagers. Un recensement des appareils en cause fut effectué par des électriciens. À cette époque, les Fontainois comme les autres Français étaient moins équipés en appareils ménagers que les Américains qui, en partie pour cette raison, ont conservé le 110 volts…

Sigrid Pavèse

Visite – Conférence

Église Saint-Bernard. Viltrail de saint Bernard et la Vierge. Détail.© Jacky Boilletot

 

Les vitraux de l’église Saint-Bernard et de l’oratoire de Béthanie à Fontaine-lès-Dijon.

Visite-conférence de Françoise Perrot.
Samedi 22 avril 2023,

Rendez-vous à 14 h 30, place des Feuillants

Les conscrits de la classe 1957 à Fontaine-lès-Dijon

 

En haut de gauche à droite : Jean Bernard, Maurice Taisant (Hauteville), Gilbert Ciccardini, Georges Buteau.

En bas, de gauche à droite : Michel Parot, Jean Aubrun, Charles Buteau. Collection Jean Aubrun.

 

 

Cette photo prise en novembre 1956 montre les six conscrits fontainois de la classe 1957, auxquels s’ajoute un Hautevillois. Le 27 novembre 1956[1], les jeunes gens s’étaient retrouvés dans la cour de l’hôtel de ville de Dijon, avant de pénétrer dans la grande salle du conseil de révision où se tenaient, assis derrière une table, des militaires, des médecins et les autorités municipales des communes concernées avec, pour Fontaine, le maire Léonce Lamberton et le premier adjoint, Joseph Bajotet. Là, ils avaient subi les examens réglementaires et tous avaient été déclarés « bons pour le service ».  Pour chacun d’eux et malgré des perspectives angoissantes, il y aurait eu une sorte de sentiment de déshonneur à ne pas être pris, et ce fut dans un joyeux brouhaha que s’était effectuée la sortie, vers midi. Dans la rue, ils étaient attendus par des forains qui avaient installé leurs baraquements pour leur vendre des insignes tricolores indiquant leur aptitude au service armé. Arborant, épinglées à la poitrine, de multiples cocardes, la petite équipe avait posé dans le square des ducs comme on le voit ci-dessus, puis elle avait pris la direction des cafés où le maire de la ville, le chanoine Kir, était venu les saluer…

Le lendemain avait débuté la « tournée » pour visiter les maisons et ramasser les fonds nécessaires à l’organisation du « banquet de la classe ». Durant plusieurs jours, à bord d’une voiture de 1938 qui avait remplacé la carriole en usage les années précédentes, une bande de joyeux lurons curieusement accoutrés, formée par les conscrits, les sursitaires et les « bleus » de la classe à venir, avait respecté la tradition en défilant  bruyamment dans les rues de Fontaine et d’Hauteville, fêtant leurs 20 ans dans une cacophonie de cris, de sifflets, de trompettes, de clairons et du trois tons qui avait pris la place du klaxon, le tout dans une atmosphère de beuverie alimentée par le petit blanc de pays, servi généreusement par les vignerons du terroir qui les accueillaient à bras ouverts… Avant de rejoindre le samedi 5 janvier 1957 l’hostellerie de l’Étoile, rue Marceau à Dijon, le petit groupe s’était rendu aux monuments aux morts d’Hauteville et de Fontaine pour déposer une gerbe et respecter une minute de silence observée avec gravité car les étourdissements de la fête ne pouvaient faire oublier la perspective de devoir partir en Algérie pour des « opérations de maintien de l’ordre ». Après les agapes dijonnaises, les réjouissances s’étaient poursuivies à Fontaine avec le bal donné dans la salle Guy, qui se trouvait à l’étage du café de la place du Perron. Cette tradition des conscrits fut une des dernières qui eut lieu à Fontaine. En 1960, elle avait disparu.

Dans ce rite de passage vers l’âge adulte qui permettait de se défouler, une relation étroite s’était créée entre ces jeunes gens nés la même année. Les temps forts vécus ensemble pendant les festivités avaient été une expérience humaine qui avait cimenté cette communauté de jeunes hommes. Quelques mois après ces festivités, et malgré les cierges qu’ils avaient brûlés dans la chapelle Saint-Bernard pour ne pas avoir à rejoindre les unités combattantes en Algérie, ils durent tous aller servir en Algérie. Ils furent libérés au bout de 28 mois pour les simples soldats, et 30 mois pour les sous-officiers comme Jean Aubrun, mais plus de 15 000 appelés et conscrits comme eux, n’eurent pas la chance de revenir.                                                                                               Sigrid Pavèse

 

[1] AUBRUN (Jean), Qui m’a volé mes vingt ans ? Edilivre, 2018.