Le nom de Fontaine (-lès-Dijon) est presque désespérant pour les toponymistes. Ce nom est en effet fort banal et appartient à une longue série d’homonymes. Cependant, l’environnement onomastique autant que la topographie nous obligent à nous poser quelques questions. D’une part, les sites habités proches de Fontaine ont pour la plupart des noms gaulois (comme Talant, Dijon et probablement Daix), la seule exception romane sûre étant Ahuy ; d’autre part, Fontaine est sur une butte remarquable et on imagine difficilement que les Gaulois n’aient pas occupé le site en y laissant au moins un nom, comme c’est le cas pour Talant.
Il n’est pas sans intérêt d’examiner le site de la Charme d’Arans sur les confins de la commune. Le problème est de définir le statut de d’Aran ; s’agit-il du nom ancien du site ? Dans ce cas, nous pourrions avoir affaire à un ancien site bâti aujourd’hui disparu et il serait tentant d’y voir quelque frontière : le chemin suit très exactement la frontière communale entre Fontaine et Daix même si cette frontière ne semble pas avoir été très importante.
On pourrait avancer aussi – ce qui serait préférable- qu’il s’agit d’un nom de référence, de friches utilisées par des gens d’un village plus ou moins proche. Cette hypothèse semble plus raisonnable ; les charmes (variante phonétique de chaume) sont de mauvais terrains réservés généralement aux pâturages communaux, donc sans propriétaire désigné, ce qui explique l’absence de noms de propriétaires-contribuables sur l’état des sections. Ces noms de proximité sont très fréquents sur les cadastres ; on pourra citer ainsi à Dijon : les Charmes d’Asnières et les Crai(e)s de Pouilly. Il ne reste qu’à trouver quel était le village dont les habitants avaient le droit d’usage et il n’existe ici qu’une solution : Aran était assez vraisemblablement l’ancien nom gaulois de la butte de Fontaine.
On peut supposer que Fontaine – au temps de Vercingétorix et du Castrum divionense – était appelé Arinto(s) ou Aranto. La racine pré-latine qui a donné le nom d’Arans était probablement Arinto, « frontière » ou mieux et plus simplement « montagne ». À une période difficile à préciser exactement, par suite de la rareté des formes anciennes antérieures à l’An Mil (disons dans la seconde partie du premier millénaire, en tout cas avant 822, première notation de Fontaine dans les archives), des maisons paysannes se sont construites au pied de la butte, là où il y avait de l’eau et c’est l’eau qui nomma la butte dont le nom primitif fut oublié complètement, sauf dans un site marginal. Au temps de saint Bernard, le nom actuel s’était imposé définitivement.
Gérard TAVERDET (d’après R[h]apsodies , Octobre 2021)