La halle de Fontaine qui était située au cœur du village, à l’emplacement du parking du Perron créé en 1983, a été un haut lieu de la vie publique des vignerons de Fontaine pendant tout l’Ancien Régime, jusqu’à sa démolition en 1878. Flanquée d’une croix donnant rue de la Confrérie, c’était un édifice sans fermeture et sans porte au rez-de-chaussée. Il avait d’abord un rôle économique. En effet, lorsqu’arrivaient des marchandises à Fontaine, tels que tonneaux, cercles et paisseaux (échalas), ils étaient déposés là, avant d’être récupérés par leur destinataire. Fontaine n’avait pas de bois et celui des milliers de paisseaux nécessaires pour attacher la vigne venait de l’extérieur. La halle servait aussi d’abri aux ouvriers et de place pour les vendanges. Elle avait aussi un rôle culturel. Les jours de fêtes on s’y réunissait pour jouer aux quilles, danser… Enfin, l’édifice a toujours été le lieu de la publication à faire aux habitants[1]. Mais avant la Révolution, c’était aussi le siège de la justice communale. Tout au long de l’année, il y avait là des audiences ordinaires de justice appelés « jours » et, en octobre ou novembre, se tenaient « les grands jours », qui étaient des audiences extraordinaires[2]. Lors de ces assises annuelles, tous les chefs de familles payant l’impôt étaient convoqués et punis d’une amende s’ils ne se présentaient pas sans excuse valable. Le juge, représentant l’État central dans la seigneurie, lisait les arrêts et règlements du parlement de Dijon concernant la commune, comme l’interdiction du grappillage dans les vignes. Ensuite, les habitants désignaient leurs « officiers » ou agents du village, tels les vigniers qui assuraient la police de la vigne pour un an et qui prêtaient aussitôt serment de vaquer aux fonctions de leur charge « en honneur et conscience ». Puis, le juge recevait les plaintes et les requêtes de toute nature, aussi bien individuelles que celles de la communauté. Ainsi voit-on les habitants demander de sommer un marchand vinaigrier d’enlever les « gennes » (résidus des grappes) qu’il laissait dans la rue après les avoir passées par son alambic[3]… Le juge réprimait les abus en appliquant la loi. Il pouvait condamner à des amendes car cette justice avait compétence au civil et au pénal.[4]. C’était également sous la halle qu’était proclamée à son de trompe et de cris publics l’ouverture du ban de vendange avec, pendant longtemps, l’accueil de la municipalité de Dijon, qui en profitait pour exercer son droit de justice comme seigneur d’une partie de Fontaine. L’audience était suivie de repas pantagruéliques[5]. Ce bâtiment chargé d’histoire n’a pourtant laissé aucune trace à Fontaine. (Sigrid Pavèse)
[1] Archives départementales de la Côte-d’Or (ADCO), II O 296, 28 novembre 1815, 29 janvier 1816 : opposition de la commune à la prise de possession de la halle par le receveur des domaines en vertu de la loi de 20 mars 1813.
[2] HAYHOE (Jérémie), « La police aux Grands jours dans la Bourgogne du Nord » dans BRIZAY (François), FOLLAIN (Antoine), SARRAZIN (Véronique) (dir.), Les justices de village, PUF de Rennes, p. 205-207.
[3] ADCO, C 531, 4 janvier 1781.
[4] LISBERNEY (Jean), « La justice de Fontaine-lès-Dijon au XVIIIe siècle », Mémoire de la Société pour l’histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons, 1938, tome 5, 1938, p. 207-209.
[5] PAVÈSE (Sigrid), « Le ban des vendanges à Fontaine-lès-Dijon », Bulletin des Amis du Vieux Fontaine, n° 139, septembre 2016.